Adrien Moretti, d’un décor à l’autre

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Adrien Moretti, d’un décor à l’autre

Chef d’atelier sur la Fête de 1999, et à nouveau actif sur la Fête à venir, Adrien Moretti prépare actuellement, dans son atelier veveysan, les décors sortis de l’imagination du scénographe Hugo Gargiulo. Portrait.

D’un ancien dépôt à grains, situé rue du Torrent, Adrien Moretti est passé à un ancien dépôt de charbon, au 13 de la rue du Midi. Le Veveysan d’adoption a participé à la Fête de 1999 dans le premier, et prépare aujourd’hui les décors de la prochaine dans son actuel repaire, au-dessus duquel il est installé avec son épouse. A nouveau promu chef d’atelier, après l’avoir été à seulement 27 ans, il fait naître de l’imagination d’Hugo Gargiulo, scénographe attitré de Daniele Finzi Pasca, les éléments décoratifs du spectacle à venir. «La méthode de travail est différente qu’il y a vingt ans, quand le scénographe de l’époque, Jean-Claude Maret, avait proposé des maquettes finies dès le début du chantier. Pour 2019, nous travaillons en work in progress. Une autre approche peut-être due à l’époque. Mais qui me convient également.»

«OK, on y va»

C’est grâce à l’un de ses anciens enseignants aux Arts appliqués de Vevey, où ce natif de Lausanne fait ses classes au début des années 90, qu’Adrien Moretti obtient son poste de chef d’atelier. Après un stage au Grand Théâtre en troisième année de son cursus, il faut dire que les projets d’envergure ne lui font pas tellement peur, Adrien Moretti profitant d’une époque où les directeurs de compagnie ou de théâtre disaient plus simplement: «OK, on y va.» C’est d’ailleurs ainsi qu’il commence à collaborer avec Claude Nobs, à qui il propose, alors qu’il a tout juste 25 ans, un décor d’encadrement de scène pour lequel le directeur historique du Montreux Jazz Festival dit «banco». Suivront alors d’autres belles réalisations, au Petit Théâtre de Lausanne. Les centaures du passage à l’an 2000, à Genève, c’est également lui, et on peut également retrouver la patte d’Adrien Moretti derrière chaque décor de l’excellent metteur en scène lausannois Cédric Dorier.

«Cela dit, je n’ai pas véritablement profité de 99. C’est au soir de la dernière représentation que je me suis rendu compte que les gens faisaient la fête dans les caveaux. Moi, j’étais de piquet à l’atelier dès 8 heures du matin, à fond dans la mécanique du spectacle.», regrette-t-il presque, confiant toutefois que sa carrière subit un joli coup de pouce grâce à la Fête des Vignerons. «J’avais pourtant construit un seul petit animal sur les 270 présents dans le spectacle de l’époque, et on est ensuite beaucoup venu me trouver pour réaliser des sculptures. Et je passe depuis de la fonction de chef d’atelier à celle de scénographe avec facilité et délice.»

Le décor comme personnage

Au milieu de la capite des vendanges, d’un bateau en origami ou de têtes de brochet suspendues au plafond de Midi XIII, son actuel atelier qui a des faux-airs d’église, Adrien Moretti, qui travaille seul dans cet endroit gigantesque même s’il fait appel à des artisans indépendants de la région, aborde son travail avec un calme souverain. «On est pourtant venu me chercher assez tard, en mars dernier, et mon carnet de commandes était déjà assez fourni.» Qu’à cela ne tienne, la Fête des Vignerons, à nouveau, sera pour Adrien Moretti une nouvelle occasion «de faire que le décor devienne lui-même un personnage, devant faire avancer l’action lui aussi.» Tout ceci avec une donnée essentielle qui parcourt son travail: «de l’onirisme». Bien sûr.

  • Le décorateur et artiste Adrien Moretti dans son atelier Midi XII à Vevey. © Ruedi Flück

  • © Ruedi Flück

Le bateau

Un origami de peuplier et de polyester… et sur la coque, des impressions de coupures de presse! Mais pas n’importe lesquelles. Cette police de caractères qui semble nous rappeler notre cher 24 heures est celle d’articles tous consacrés à l’entrée de Lavaux au patrimoine mondial de l’UNESCO. A l’intérieur, un moteur sera actionné par un machiniste caché par la voile. «Le bateau fait partie de l’entrée de la scène du lac. Une balade onirique et lacustre de Julie avec son grand-père et un violoniste qui les accompagnent.»

La capite

Elle sera présente au début du spectacle, fier refuge du vigneron au moment de célébrer les vendanges. On découvre le spectacle avec cette capite de vigneron, petit cabanon grandeur nature sur lequel a été réalisé un très savant travail de décoration. Une vigne court sur le bois de cette cabane, dont les feuilles sont équipées de ventouses électriques qui per- mettront de les faire tomber, au moment de figurer l’arrivée de l’automne. «C’est une vieille capite bien pourrie, bien usée par le temps.» L’intérieur est très accessoirisé, ce qui la rend donc extrêmement réaliste. D’ailleurs, des caméras, lors du spectacle, pourront parfois s’y faufiler afin d’y montrer ce qui se passe, et ainsi permettre aux spectateurs d’assister au jeu des comédiens jusqu’au cœur du décor.

  • © Ruedi Flück

  • © Ruedi Flück

Les gongs

Les trois gongs tonneront à la fin du spectacle et symbolisent les trois soleils de Lavaux. Ils ont d’ailleurs quelque chose de solaire. Et d’infiniment majestueux. Grâce à un fond de cuve, dans lequel a été réalisé un grand dessin en terre, une empreinte en silicone a été imprégnée qui contient les motifs imprimés sur les trois gongs. «A l’intérieur seront placées des caisses électroniques de batterie. Ainsi, en tapant dessus, on pourra traduire les sons que l’on désire.»

Les brochets

Ils sont un peu comme des dragons chinois. Les arêtes comme des cordes à linge sur une structure portée par les figurants. Dessus, du tissu tendu, du «stretch miroir» à travailler encore de quelques effets de peinture. «Ils sont énormes. 9,3 mètres de long. Avec la contrainte de la légèreté.» Trois personnes devront porter la tête. «Nous tendons à ce que la marionnette impose son propre mouvement aux porteurs. Elle doit presque avoir une vie propre.»

Les grappes

Elles seront utilisées pour la scène du couronnement. Ces grappes argentées, surmontées de boucles en patine, ne sont rien d’autre que des boules de sagex enduites de plâtre, peintes en bleu et enfin recouvertes de feuille d’aluminium. «Il y en a une de trop, c’est la grappe de réserve. C’est le cas de chaque élément de décor, qui possède une réplique de sécurité.

  • © Ruedi Flück

Texte: Lucas Vuilleumier – Photos: Ruedi Flück