Pouvez-vous raconter aux futurs spectateurs à quoi ressemblera la partie musicale du spectacle?
La musique sera comme un kaléidoscope de thèmes et de motifs récurrents, tableau après tableau. Des thèmes originaux qui ont été composés par Jérôme Berney, Valentin Villard et moi. Ces thèmes ont pour but d’accompagner le spectateur dans ce beau voyage qu’est le spectacle dans son ensemble, fait d’images, de sons, de couleurs et d’évocations. La musique est inspirée tout naturellement de la vigne, du paysage et des Fêtes des Vignerons précédentes, tout autant que des changements qui, au long des siècles passés, ont accompagné les Fêtes. Sa particularité sera la grande variété des sonorités: un mélange de musique acoustique et de musique diffusée, pour grands et petits ensembles. Il y aura aussi des sonorités de la nature.
Les compositeurs de la Fête ont toujours dû mélanger les éléments hérités de la tradition musicale, les airs folkloriques et traditionnels, à leur création propre. Un beau défi?
J’ai eu beaucoup de plaisir à le faire. Nous avons tous beaucoup à apprendre de notre passé. C’est une façon de se retrouver. De comprendre d’où l’on vient, où l’on se trouve et peut-être d’avoir une intuition des parcours possibles qui se dessinent pour l’avenir.
Parmi ces airs hérités à intégrer, il y a évidemment le Ranz des vaches. C’est un tabou, les puristes pensent qu’on ne peut pas le toucher?
C’est un air qui a été plusieurs fois retouché, précisé- ment parce que c’est un air qui a traversé les temps. Je crois que chaque âme qui l’a chanté et le chante dans les montagnes de la Gruyère l’a réinventé, le réinterprète. Car pour atteindre l’authenticité, on doit s’approprier l’air en question. Il doit nous pénétrer l’âme. Et peut-être que l’âme de la personne qui l’a chanté pour la première fois se réconcilie, se réincarne en qui la chante aujourd’hui.
Composer la musique de la Fête des Vignerons 2019, qu’est-ce que cela signifie pour une compositrice?
C’est un formidable défi. Cette longue tradition, qui relie les arts du folklore à la musique symphonique, est unique. De savoir qu’autant de choristes à la fois se préparent à chanter mes compositions est une expérience très émouvante. Qui me rappelle le temps où je chantais avec mon chœur, et d’autres chœurs, dans des festivals.
L’orchestre du Menuhin Gstaad Orchestra enregistre ce printemps la partie orchestrale et symphonique de la partition. Pourquoi ce choix?
Ce bel orchestre symphonique pourra ainsi donner toute sa potentialité sans être pénalisé par un espace dont l’acoustique ne le met pas vraiment en valeur. Il existe certes des espaces extérieurs intéressants au niveau acoustique. Mais il s’agit alors d’espaces durables, pérennes, et non d’une arène qui sera dé- montée de suite après les représentations. Pensez à la tradition: ce sont surtout les cuivres qui jouent à l’extérieur. Le son des cordes se propage de manière moins efficace. La qualité du son était à nos yeux trop importante pour ne pas viser la meilleure qualité d’écoute avant tout.
Quel est votre propre rapport au chant?
A la maison, en famille, j’ai toujours chanté. J’ai beau- coup chanté avec ma sœur et continue à le faire. J’ai vécu avec elle des expériences de tournée internationale avec le chœur I Cantore della Turrita, qui s’appelait alors I Piccoli Cantori della Turrita. Nous avons été en Grèce, en Bulgarie, en France, en Italie… J’y ai chanté depuis mes 7 ans jusqu’à mes 18 ans. A la fin, je préparais les petits nouveaux qui entraient dans la chorale. Les tournées, la musique jouée et chantée ensemble, ont été une expérience fondamentale pour moi. Le chant a toujours fait partie de ma vie.
De quoi vous réjouissez-vous le plus, dès que la Fête commencera le 18 juillet?
J’espère qu’au moment où aura lieu la première représentation, tout ce monde qui a travaillé pour que ce rêve devienne réalité ressente simplement un grand plaisir à vivre la Fête, et que ce plaisir gagne tous les gens qui viendront y assister. J’espère que cette Fête donne de l’espérance pour le futur. J’en serais très heureuse.
Propos recueillis par Isabelle Falconnier
Photos: Edouard Curchod et Jean-Claude Durgniat | oZimages