Ils sont en Lavaux sept vignerons, sur quelques deux cent, à cultiver, depuis plus ou moins longtemps, leur vigne en biodynamie. Ils s’appellent Blaise Duboux, Gérald Vallélian (médaillé d’argent de la Fête !), Jean-Christophe Piccard, Pierre Fonjallaz, Charles Rolaz, Gilles Wannaz et Pierre-André Jaunin. Passionnés par leur démarche, deux jeunes réalisateurs lausannois, Adrien Pisler, 31 ans, fils du musicien vaudois Antoine Auberson, et Johann Pélichet, 28 ans, fils de chef d’orchestre et petit-fils de vigneron, les ont suivi durant une petite année.
Une initiative saluée par Blaise Duboux, vigneron à Epesses et Conseiller de la Confrérie des Vignerons. « Ce film pose le débat de manière réaliste, clair, et non consensuelle. Nous parlons de Lavaux comme d’une viticulture millénaire. Mais la vigne sera-t-elle là dans ne serait-ce que 100 ans ? Que fait-on pour nous en assurer ? Nous parlons patrimoine, durabilité, transmission : comment durer, justement, dans le respect à la fois de la nature et des hommes et des femmes qui la soignent ? La culture en biodynamie est une ouverture, une piste de réflexion. Nous démontrons que c’est possible, réalisable, viable. »
Intitulé « Les Trois Soleils de Lavaux », mis en musique par le saxophoniste Antoine Auberson, père d’Adrien, le documentaire est diffusé au Cinéma Rex de Vevey durant toute la durée de la Fête.
C’est aussi au cinéma Rex que les sept vignerons bio de Lavaux, réunis en association, ont ouvert pour la durée de la Fête un espace de restauration unique. Son nom ? « 7AuRex ». On y trouve les vins des vignerons concernés mais également une carte aussi unique que délicieuse valorisant les produits, herbes ou petits fruits qui poussent dans les vignes cultivées en biodynamies de nos 7 vignerons. Ainsi, glace à la fraise des bois ou pesto d’herbes sauvages accompagnent de belles feuilles de vignes farcies – le tout dans une jolie ambiance de nature, de bois et de lavande.
Entretien avec deux réalisateurs, Adrien Pisler et Johann Pélichet.
Johann : Nous avons découvert le domaine de l’un des vignerons bio l’été dernier lors d’un mariage au domaine de Gilles Wannaz. Nous avons immédiatement eu un coup de coeur pour le lieu, la personne. Quelques semaines après, nous lui avons proposer notre projet de film.
Adrien : Nous vivons dans une société dans laquelle nous ne pouvons pas faire confiance aux produits de consommation. La pression financière a souvent eu raison de la bienveillance naturelle qu’il y avait jadis entre producteurs et consommateurs. Découvrir parmi ces vignerons cette volonté de retrouver ce lien sacré entre humain et nature m’a donné envie de les mettre en valeur.
Johann : J’ai passé la moitié de ma jeunesse à la campagne. Mon grand-père est vigneron, j’ai grandi à la ferme au milieu de la nature, des animaux et de la vigne. Ce sont mes valeurs essentielles.
Adrien : Je pense sincèrement que l’être humain s’attache et s’identifie profondément au lieu dans lequel il grandi. A tel point que ce lieu fini par constituer une part de son identité. Lavaux est le décor qui constitue donc une part de ma construction identitaire. J’y suis extrêmement attaché. Le monde des vignerons de Lavaux est un monde à part qui fonctionne comme une micro société à quelques pas de la ville. Je connaissais peu ce monde. Ce que j’ai découvert est formidable.
Johann : Comme une ode à l’amour, de la nature, de nos terres de notre patrimoine et de nos paysans.
Adrien : Je souhaite que les gens ressentent la sincérité que j’ai vue dans le regard de ces personnes. Je souhaite aussi que ce film puisse contribuer à l’espoir d’un monde meilleur, ce qui devient de plus en plus difficile en cette époque plutôt sombre. Ne pas céder au pessimisme et se battre pour l’espoir est selon moi la seule solution pour trouver la force d’agir.
Johann : Faire ce film m’a transformé. J’ai grandi à la campagne dans un milieu naturel, puis durant mon adolescence je suis parti vivre en ville. Petit à petit, j’ai perdu ce lien avec cette nature ainsi que beaucoup des valeurs qui m’avaient été enseignées. Faire ce film m’a permis de me rappeler d’où je viens. Il m’a aussi rendu attentif à mes gestes de citadin. J’ai pris conscience de mon impact sur l’environnement. Ce film a aussi une forte symbolique, puisque c’est notre premier long métrage. Il marque notre départ officiel dans le monde du cinéma.
Adrien : Ce film m’a profondément métamorphosé. Leur message basé sur le bon sens et l’amour des choses a résonné en moi comme quelque chose qui existait déjà mais dont j’avais perdu la conscience. Je les en remercie car cela a contribué à mon propre bien-être. Avant de rentrer dans leur univers, je les voyais comme des personnes ayant fait le bon choix sans connaître les difficultés qu’ils doivent affronter. Ces gens acceptent de gagner moins d’argent, de travailler plus dur physiquement, d’être parfois incompris des autres, et cela au nom de leur convictions personnelles. Cette force de caractère est plutôt rare à observer de nos jours. J’y vois donc sincèrement, et sans effet de style, une forme d’héroïsme moderne.
Johann : En sortant notre film directement au cinéma durant la Fête des Vignerons, nous avons perdu l’éligibilité pour les festivals du cinéma. C’est un choix que Adrien et moi avons fait : la Fête est très certainement le meilleur endroit pour partager ce film au monde et lui donner son envol.
Adrien : Oui ! En un an, je n’ai jamais entendu aucun des 7 vignerons bio parler négativement d’un collègue pratiquant une viticulture conventionnelle. Ces personnes sont d’abord des vignerons avant d’être des vignerons bios. La Fête des Vignerons, fête exceptionnelle, est une ode à la culture du vin et il est selon moi extrêmement judicieux de pouvoir faire profiter aux amateurs de vins de toutes les facettes de cette culture.
Johann : Je ne sais pas. Aujourd’hui, ça s’appelle le bio. Peut-être que dans 10 ans, cela sera la norme. Ce dont je suis persuadé, c’est que l’avenir du monde commence par le respect de notre planète, quel que soit le nom utilisé.
Adrien : Le bio est le seul avenir possible, à mon sens. L’histoire nous a montré que lorsque l’humain souhaite prendre le contrôle des forces plus grandes que lui, cela se termine généralement mal. Déléguer à la nature ce qu’elle fait naturellement mille fois mieux que nous, mettre notre intelligence et force de travail au service des choses sur lesquelles nous pouvons avoir un impact positif, est selon moi le meilleur cadeau que nous puissions faire tant à l’humanité qu’à la nature.
« Les trois soleils de Lavaux ». De Adrien Pisler, 31 ans, et Johann Pélichet
Au cinéma Rex, Vevey. Le 24 à 13, le 25 à 14h30, le 26 à 18h, le 27 à 13h30, le 28 à 15h, le 29 à 14h50, le 30 à 16h. Programme de la semaine suivante dès le 30 sur le site des Cinémas Rex.