Quand je serai grand, ce sera ma Fête des Vignerons

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Quand je serai grand, ce sera ma Fête des Vignerons

Parmi les pros du vin, chaque génération se reconnaît dans sa Fête, un bel outil valorisant et honorant leur savoir-faire.

Quand je serai grand, ce sera ma Fête des Vignerons

Deux l’ont déjà faite, enfants, un autre la découvre, mais un point commun pour Delphine Morel (Chardonne), Gaël Cantoro (Bourg-en-Lavaux) et Basile Neyroud (Chardonne): ils vont vivre leur première Fête des Vignerons comme jeunes vignerons.
CHANTAL DERVEY

Delphine Morel avait 13 ans quand elle a incarné l’un des enfants de la Saint-Martin dans l’arène de 1999. Ses parents (domaine familial Jean-François Morel, à Chardonne) l’avaient voulu, pour elle comme pour ses deux sœurs. «Nous étions inscrits les cinq. J’ai vécu cette fête à travers eux. Une fête magnifique, à faire absolument une fois.»
Vingt ans plus tard, son envie d’être figurante tombe encore plus sous le sens, à la différence que c’est de son propre chef qu’elle revêtira l’habit traditionnel et coloré d’une effeuilleuse lors de sa première Fête comme représentante de la nouvelle génération de vignerons. «Un passage obligé. Qui se fera à nouveau en famille», précise-t-elle.
L’ancienne apprentie de commerce revenue à la terre – elle en avait «marre du bureau» – se reconnaît plus que jamais dans un événement qui permet d’expliquer son travail au grand public. «Quand on boit du vin, les gens ne se rendent pas toujours compte de tout le travail». Et, même s’il n’y avait pas besoin d’une force de conviction supplémentaire, le fait d’être consœur de la Confrérie des Vignerons a rendu sa participation d’autant plus évidente: «Dès que j’ai su que les femmes étaient acceptées (Ndlr: dès 2009), j’ai postulé avec mes sœurs.»
Si l’on ajoute la présence de Cent-Suissesses sur scène en 2019, Delphine Morel entrevoit-elle une édition encore un peu plus à son image, soit placée sous le signe des femmes? «Je n’irai pas jusque-là, mais je trouve bien que l’accent soit mis sur nous, car ce métier évolue dans ce sens. Moi-même, je n’en suis pas parce que je travaille les vignes familiales, mais il y a plusieurs femmes parmi les vignerons-tâcherons, dont certaines pourraient finir très bien classées.»

Entre découverte et évidence
Vigneron-tâcheron du domaine communal de Bourg-en-Lavaux, Gaël Cantoro vivra, lui, sa première Fête tout court, n’ayant pas pris part à celle de 1999: «J’avais 8 ans, mes parents y étaient allés sans moi, explique ce fils de vigneron. Je la découvre à travers les autres. J’entends souvent des gens parler de celle de 1999, voire de 1977. Mais il y a plein de choses que je ne sais pas encore». L’envie de découvrir et de vivre une immersion totale dans ce qu’il considère comme une somptueuse mise en valeur de son métier n’en est que plus grande. «Les gens ne se rendent pas compte de ce que cela implique de cultiver du raisin. Un métier où la nature dicte le tempo. On ne fait jamais le même travail deux mois de suite. Et la Fête rend bien ce rythme des saisons». «Je trouve bien d’avoir une reconnaissance pour ceux qui travaillent une terre qui ne leur appartient pas», lance pour sa part Basile Neyroud, 25 ans, vigneron à Chardonne, des souvenirs plein la tête de son expérience d’enfant-cep en 1999. «Je n’avais aucune idée de ce qu’était la Fête des Vignerons. «Faut que tu la fasses», m’avaient dit mes parents. J’imaginais devoir me retrouver tout seul sur scène, j’avais une peur bleue! Pour la prochaine, je voulais incarner un Cent-Suisse, mais je n’ai pas été pris, j’aurai le rôle d’une carte à jouer. Pour moi, cela relève de l’évidence de participer, surtout en tant que Confrère, comme toute la famille du reste. Et je réfléchis à devenir expert pour la Confrérie.»
Au-delà de l’esprit de corporation, le trio entrevoit avant tout la dimension jubilatoire et onirique de la Fête. «Il faut voir ça comme un spectacle, pour le côté festif, selon Delphine Morel. Des gens ont, par exemple, été choqués à l’annonce de l’abandon de représentations de dieux mythologiques dans la mise en scène, mais chaque Fête est conçue à une génération d’écart, et c’est bien que le spectacle évolue.»
Basile Neyroud va dans le même sens: «De toute façon, je ne m’identifiais pas à ces figures. Contrairement aux armaillis! Ce lien Vevey-Veveyse fribourgeoise doit perdurer. Eux font d’excellents fromages et nous le vin qui va avec. La Fête, c’est aussi l’occasion de se faire connaître, d’étoffer son réseau et de vivre un grand moment de partage entre amis».
«En tant que vigneron-tâcheron, je ferai partie du classement dévoilé lors de la Fête, mais j’irai une fois en spectateur avec ma copine, reprend pour sa part Gaël Cantoro. Mais sans mes enfants de 4 ans et 5 mois. Leur tour viendra lors de la prochaine Fête, très probablement parmi les figurants.» Dans une génération, pour s’approprier LEUR Fête. Karim Di Matteo

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Ils ont beau incarner la jeune génération, Delphine Morel, Gaël Cantoro et Basile Neyroud se reconnaissent totalement dans ce qui sera leur Fête des Vignerons. CHANTAL DERVEY

Supplément du 2-3 juin 2018