Rencontre avec le chorégraphe Bryn Walters

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Rencontre avec le chorégraphe Bryn Walters

Chorégraphe de la Fête des Vignerons 2019, Bryn Walters collabore depuis 12 ans déjà avec Daniele Finzi Pasca. Spécialisé dans les spectacles de grande envergure, il a notamment travaillé avec le metteur en scène pour les cérémonies de clôture des jeux olympiques de Turin en 2006 et de Sotchi en 2014. D’origine anglaise, habitué à évoluer au niveau international, Bryn Walters s’est rapidement intégré à l’équipe artistique, où il s’est senti le bienvenu dès le départ. Le chorégraphe, qui se dit honoré de pouvoir participer à la création de ce spectacle, dégage le même enthousiasme que celui qu’il a eu le plaisir de percevoir chez les acteurs-figurants lors des auditions.

Parlez-nous un peu de votre travail en tant que chorégraphe…
Je suis chorégraphe mais je travaille généralement pour des grands spectacles comprenant des grands mouvements de foule, avec souvent des milliers de personnes : il ne s’agit donc pas seulement de créer des pas de danse, mais de les insérer dans l’architecture générale d’un spectacle, dans une vision plus complète. Quand on parle de chorégraphie, on ne parle pas uniquement des pas de danse, mais aussi des flux de personnes. L’objectif est de créer de belles images, des beaux effets et de les mettre en lien avec des effets techniques, que ce soit des vidéos ou l’éclairage, afin de les insérer dans la totalité d’un spectacle.

Comment s’initie le processus de création?
En principe, dans l’action de création, je préfère commencer par définir la forme générale d’un tableau: où est-ce qu’il commence, par où est-ce que l’on passe, où est-ce que l’on va finir? Je vais d’abord concevoir de grandes formations, de grandes distributions de personnes, puis je considère et j’analyse la musique ainsi que tous les paramètres techniques. Je crée en prenant en compte les costumes, les couleurs, les traditions de l’endroit. Je m’interroge sur la manière dont a été créée la musique, que signifient les paroles, les textes. C’est seulement après m’être immergé dans cette matière que je vais commencer à compléter la chorégraphie, à préciser les détails. Les détails, ce sont les mouvements de chaque figurant individuellement, qu’il y ait une centaine de personnes qui effectuent tous en même temps le même mouvement ou qu’il y ait plusieurs variantes permettant d’obtenir une texture plus riche.

Où en êtes-vous actuellement dans ce processus?
Avec Daniele Finzi Pasca, nous avons travaillé jusqu’à maintenant sur la vision globale du spectacle. Nous sommes en train d’étudier les flux des personnes, les entrées, les sorties, etc., notamment d’un point de vue pratique, parce que l’on a beaucoup d’acteurs-figurants à gérer. L’arène peut sembler énorme, mais elle est tout de même assez encastrée entre les bâtiments. Nous voulons créer les mêmes effets que dans un stade olympique, mais dans un espace beaucoup plus intime. Il y a donc énormément d’aspects techniques à prendre en compte pour gérer les grands flux et les mouvements d’ensemble des acteurs-figurants. L’élaboration des pas de danse se fera par la suite.

Quelle est la spécificité de la création pour la Fête des Vignerons?
La plus grande différence, c’est le fait que pour la Fête des Vignerons, la musique va être chantée et jouée en live, tandis que pour les autres spectacles que j’ai chorégraphié, la musique était préenregistrée. Le live donne plus d’importance à la musique et aux textes. Ça va être plus intéressant, nous allons créer quelque chose qui est bien plus ancré dans les traditions de la région.

Qu’est-ce que représente la Fête des Vignerons pour vous?
C’est quelque chose de très différent de ce dont j’ai l’habitude. Les cérémonies olympiques pour lesquelles j’ai travaillé jusque-là sont des introductions à de grands événements sportifs. Mais ici, le spectacle n’est pas le lancement de quelque chose d’autre, il existe pour lui-même, en tant que célébration de la vigne. C’est l’expression d’une région et de ses habitants et c’est très intéressant pour moi d’être inclus dans cette préparation, qui est bien plus ancienne que les jeux olympiques modernes. Et ce que j’adore, et que j’ai découvert notamment en allant visiter le Musée de la Confrérie des Vignerons, c’est de voir comment chaque édition exprime plusieurs visions: une vision tournée vers la tradition, une vision tournée vers l’avenir mais aussi une expression de l’air du temps. On peut par exemple revoir la Fête de 1977 et ça ressemble aux années 1970, même si on a voulu montrer quelque chose de traditionnel. L’air du temps transparaît dans le spectacle, la tradition est réinterprétée dans les modes musicales, les modes vestimentaires et même les styles de coiffures de l’époque. Pour 2019, même si on ne cherche pas forcément à ancrer la Fête dans la contemporanéité, ça va se faire tout seul, indépendamment de notre volonté. C’est automatique!

Justement, comment travaillez-vous à réinterpréter la Fête et ses aspects traditionnels?
Je puise mon inspiration dans les costumes, la musique, j’essaie de m’imprégner de ces traditions et ensuite de les laisser influencer mon travail, sans me sentir limité par ce qui a été fait par le passé. J’essaie de repenser ces traditions et réfléchir à comment les rendre intéressantes pour le public d’aujourd’hui.

Est-ce que les précédentes éditions de la Fête sont également une source d’inspiration?
J’ai vu des extraits de la Fête de 1999, et je me suis aussi renseigné sur les éditions précédentes, j’ai même revu des extraits des spectacles de 1905 et 1927. C’est une source d’inspiration car ils ont vraiment été bien conçus et organisés, avec de nombreux éléments scéniques et également des animaux sur la scène. Au niveau technique, ce sont de grands défis en production, des challenges. Déjà en 1905 il y avait énormément d’acteurs-figurants et de spectateurs, avec cette grande arène sur la place. C’est vraiment impressionnant ce qu’ils ont réalisé à cette époque avec les moyens qu’ils avaient.

Comment se sont déroulées les auditions des acteurs-figurants?
Nous avons auditionné les personnes qui s’étaient inscrites et avaient indiqué des compétences en tant que danseur ou gymnaste, afin d’identifier les rôles pour lesquels ils seraient les plus adaptés. C’était une expérience très joyeuse de rencontrer les habitants de Vevey et de la région. Souvent, les gens sont un peu stressés à l’idée de passer une audition. Quand ils arrivent, ils sont assez inquiets, mais après quelques minutes, ils commencent à se détendre et à s’investir dans l’expérience. Ça m’a fait vraiment plaisir de les voir peu à peu commencer à entrer dans l’esprit de la Fête. C’est le tout début de leur expérience en tant qu’acteurs-figurants. Il y a eu aussi plusieurs personnes qui avaient déjà participé en 1977, et même en 1955, qui n’ont plus la même forme physique, mais qui m’ont dit «Je vais retrouver des forces pour pouvoir à nouveau danser la valse en 2019».

Il y aura donc de la valse dans un des tableaux?
Oui, il va y avoir des grands tableaux où on va parfois percevoir une musique à 3-4 temps. Ce ne sera pas vraiment un tableau de valse, mais on va insérer un peu de valse au sein d’un tableau. Il y aura également des danses typiques. On va inclure des musiques folkloriques de la région et donc les danses qui les accompagnent.

La robe des effeuilleuses laisse penser qu’il y aura du french cancan…ce n’est pas très typique!
Ce n’est pas très vaudois, c’est vrai! Mais pour le spectacle, cela permet un éclatement d’énergie, d’expression des mouvements, des effets un peu moins attendus que d’autres éléments du spectacle. Ça élargit les possibilités à d’autres genres de danse et de musique.

Sur quoi va se focaliser votre travail ces prochains mois?
Je vais détailler de plus en plus le contenu des chorégraphies et surtout organiser les répétitions. Je veux éviter de gaspiller le temps des bénévoles, car ils ont leur vie, leur travail, leur famille. J’aimerais arriver avec les idées claires, de manière à ce que tout le monde se sente à son aise, et faire en sorte que les répétitions soient un système organisé et efficace.

Un petit mot pour conclure?
Je participe à la production, j’aide à la création des choses, mais à un certain point, j’aimerais laisser ce qu’on a créé dans les mains des acteurs-figurants. Je me réjouis que les répétitions commencent et qu’ils s’approprient peu à peu le spectacle, qu’ils se sentent les propriétaires de leur propre Fête. Et si je peux faire en sorte qu’ils ressentent cela, je serai plus qu’heureux, j’aurai fait mon travail.

 

Propos recueillis par Zoé Schneider-Cottet, le 17 septembre 2018