Les costumes des Fêtes des Vignerons s’exposent !

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Les costumes des Fêtes des Vignerons s’exposent !

Le Musée de la Confrérie des Vignerons à Vevey présente depuis cette semaine et jusqu’en mars 2026 « En scène ! », une passionnante et émouvante exposition dédiée aux costumes de la Fête des Vignerons. Nos questions à Sabine Carruzzo, historienne, conservatrice du musée de la Confrérie des Vignerons.

 

INFOS

Exposition « En scène ! Les costumes de la Fête des Vignerons ».

Musée de la Confrérie des Vignerons, Vevey, jusqu’au 29 mars 2026.

Pourquoi une exposition sur les costumes de la Fête ?

C’est une exposition qui coule de source dans un musée tel que le nôtre ! Les costumes sont au cœur de toutes les Fêtes des Vignerons, ils font beaucoup pour la créativité et la magie du spectacle. Et pour les actrices et acteurs-figurants, c’est une véritable deuxième peau, à laquelle ils sont très attachés. Mais un costume, c’est vivant, cela doit bouger, et nous avons mis du temps à trouver la mise en scène pertinente pour que nos costumes vivent ! L’exposition « En scène» joue sur les couleurs et les ambiances, créant une sorte de boutique dans laquelle on peut flâner, toucher et s’approprier les costumes. Nous avons mêlé les Fêtes et les époques pour tisser des correspondances. La salle « rouge » propose les Cent-Suisses et d’autres costumes avec des couleurs chaudes, comme celle de l’Abbé-Président de la Fête de 2019. La deuxième salle rassemble des costumes jaunes et or, comme Cérès ou le Roi de 1977. Une salle « verte » amène les Vignerons du Printemps, une salle « noir et blanc » amène l’univers des Armaillis de différentes Fêtes.

 

  • 1955_Fost: Automne_Bacchantes

  • 1955_Fost_Automne_Faunes

  • 1977_Monod: calques_Automne_Bacchante

  • 1977_Monod: calques_Automne_Bacchante

  • 1977_Monod: calques Honneur_Conseillers

« En scène » rend ainsi hommage aux créateurs et créatrices des costumes, qui ne sont pas toujours ceux, et celles, que l’on met le plus en avant lors des spectacles…

Absolument, alors que leur rôle est aussi déterminant pour le succès du spectacle que les compositeurs ou poètes. Pour les citer, ce sont Théophile Steinlen en 1833, Pierre Lacaze et 1851 et 1865, Paul-Aimé Vallouy en 1889, Jean Morax en 1905, Ernest Biéler en 1927, Henry-Raymond Fost en 1955, Jean Monod en 1977, puis deux femmes, Catherine Zuber et Giovanna Buzzi, pour les fêtes respectivement de 1999 et 2019, ce qui témoigne bien sûr de la place que les femmes ont pris peu à peu dans ces univers de la Fête et de la Confrérie longtemps très masculins. Pour la petite histoire, il faut attendre 1955 pour que les femmes jouent le rôle des Bacchantes. Avant, ce sont de jeunes hommes qui se glissaient dans ces costumes. On ne voulait pas voir de femmes défiler en tenues légères.

 

Combien de costumes le Musée de la Confrérie des Vignerons possède-t-il ?

Le Musée possède environ 350 costumes. Ce sont tous des costumes qui ont vécu, qui ont été portés, et sont donc souvent usés, recousus, sans leurs accessoires. Notre collection commence principalement avec la Fête de 1927. Pour les Fêtes précédentes, nous avons surtout des accessoires, tel le gourdin d’un Satyre de 1889. Si des milliers de costumes ont été dessinés au cours de l’histoire des Fêtes, il ne faut pas oublier qu’ils appartiennent aux figurants, qui les portent et les conservent précieusement !

Êtes-vous à la recherche de costumes précis ?

Même si nous possédons déjà beaucoup de costumes, il me manque certains costumes particuliers. Notamment des costumes d’hommes de la Fête de 1955, notamment des Artisans, des Bûcherons et de Forgerons, ou un costume de Faune ou de Fakir de la Fête de 1927. Et de manière générale, j’ai peu de costumes de rôles d’enfants.

 

Quel est le costume le plus précieux que possède le Musée de la Confrérie des Vignerons ?

Les costumes des Abbés-Présidents, que nous possédons depuis l’édition de 1927, brodés à la main, sont sophistiqués et magnifiques. Les costumes des déesses sont aussi superbes, uniques, comme par exemple celui de la Cérès de l’édition 1955 et sa traine de 15 mètres de long. Elle est hélas abîmée et tachée, et demande une restauration spécifique avant de pouvoir être exposée. Par contre, le costume de Roi de la Fête de 1977 est exposé, c’est unique et un souvenir merveilleux !

 

Comment l’histoire des costumes de la Fête est-elle documentée ?

Lors des parades, au 18e puis début du 19e siècle, chacun s’habillait comme il voulait, ajoutant simplement des rubans ou d’autres accessoires. Ce n’est qu’à partir de 1889 qu’un costumier réfléchit à ce que les figurants vont porter, et créer des maquettes. L’arrivée de la photographie et des reproductions de masse change aussi la donne, conférant à certains costume une influence réelle. Ainsi, en 1889, lorsque Placide Currat chante le Ranz des vaches en solo, son costume va devenir peu à peu le prototype de celui des armaillis fribourgeois, alors que ce n’est qu’un costume de théâtre !

  • 1999 C.Zuber_costumes, Vivants et Morts_Choeur Rouge, femme

  • 1999 C.Zuber: costumes Honneur_Vgneronne primée

  • 1999 C.Zuber: costumes_Temps Mémoire_Maitre Armailli

  • 2019 G.Buzzi_parade costumes

  • 2019 G.Buzzi_parade costumes

  • FDV 2019 _ Costume. Vevey, Aout 2018 © Fred Merz | Lundi13

  • FDV 2019 _ Costume. Vevey, Aout 2018 © Fred Merz | Lundi13

  • FDV 2019 _ Costume. Vevey, Aout 2018 © Fred Merz | Lundi13

  • 2019 G.Buzzi_costumes2019_ Centpourcent_fredmerz_

  • 2019_G.Buzzi_costumes2019, Bourgeon_fredmerz

En quoi les costumes de la Fête sont-ils un terrain d’études intéressant ? Que disent-ils de leur époque, de la société, de l’état de la création et de la tradition en même temps ?

Ils révèlent une part de l’histoire et de l’esthétique des différentes éditions de cette tradition unique. Ils sont porteurs d’identité, de tradition mais aussi innovation. Ces vêtements matérialisent une part de l’immatérialité d’une Fête inscrite par l’UNESCO sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Ces costumes sont un miroir du temps dans lequel ils ont été créés, des influences qui traversent alors la société, de ses aspirations, de ses inquiétudes, de ses idéaux aussi. En regardant les dessins de Henry Raymond Fost pour l’édition 1955, on se retrouve plongé dans le cinéma des années 50, entre péplum et comédies musicales ! Pour la Fête de 1977, en plein dans les années hippies, les créateurs ont dû jongler entre les éléments traditionnels attendus par le public et des éléments plus innovantes, qui ont été par exemples les costumes des gymnastes en exercice sur la moissonneuse-batteuse, les matières synthétiques nouvelles qui captent la lumière, ou les faunes et bacchantes qui ont fait sensation autour du Dieu Pan, très en phase avec l’esprit du temps.

 

A votre avis personnel, quel est le plus beau costume jamais créé pour l’une des douze Fêtes ?

J’aime tout particulièrement celui, dessiné par Christian Lacroix, de la danseuse de la suite de Palès en 1999, un très beau corsage découpé dans un belle matière. Mais j’aime aussi les costumes plus simples, plus proches de l’esprit de le Fête, comme ceux du Chœur Rouge de 1999. J’ai moi-même porté le costume de la troupe des Bleus du tableau du Jardin d’Orphée, une grande robe dans laquelle je ne me sentais pas très à l’aise ! En 2019, je portais le joli costume du Conseil de la Confrérie, que je garde précieusement.

 

Où sont fabriqués les costumes des différentes Fêtes ?

Jusqu’en 1927, ce sont la plupart du temps les gens qui les font eux-mêmes selon les recommandations des organisateurs, voire des tailleurs de la ville pour les gens aisés. Par la suite, ce sont des ateliers de Vevey, Lausanne ou Zurich qui s’en chargent. C’est le cas jusqu’en 1977, avec déjà un certain nombre de costumes qui viennent de France. Le mouvement d’industrialisation de la couture s’intensifie alors et les costumes de 1999 sont quasi tous fabriqués à Paris. En 2019, le réseau de Giovanna Buzzi est principalement en Italie, avec des éléments créés en Suisse. La question des coûts devient aussi un facteur important.

 

L’exposition « En scène » s’attache à la relation particulière que les figurantes et figurants entretiennent avec leur costume. En quoi est-elle unique ?

À la différence d’un costume de théâtre, que l’on enfile avant de monter sur scène et que l’on retire aussitôt le rideau tombé, le costume de la Fête des Vignerons devient une véritable seconde peau. Il accompagne les participants tout au long de l’événement, quasiment sans interruption. Le figurant sait qu’il sera photographié et filmé des milliers de fois tout au long des semaines de la Fête. Le costume joue le rôle de facilitateur. Un figurant de la Fête des Vignerons de 2019 estime qu’il aide à sortir de son quotidien pour mieux entrer dans son rôle au sein de la Fête. Du point de vue du figurant, le costume revêt une importance capitale, au-delà de ce qu’il attend de la Fête à venir. Lorsqu’on s’inscrit pour participer à la Fête, qu’on explore les différentes troupes et qu’on coche ses préférences d’affectation, on rêve déjà de ce que l’on portera. Les attentes sont souvent immenses, bien avant que les costumes ne soient même dessinés et créés !

 

Propos recueillis par Isabelle Falconnier

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Exposition « En scène ! Les costumes de la Fête des Vignerons ».

Musée de la Confrérie des Vignerons, Vevey, jusqu’au 29 mars 2026.